Les films
Du 23 au 28 octobre 2023, se tiendra à Nice et à Monaco la seconde édition de REC.forward, programme de recherche sur les Réemplois contemporains du film amateur, porté par le Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Cultures et Sociétés (LIRCES) de l’Université Côte d’Azur.
Les films amateurs, les archives familiales, les images anonymes du XXe siècle constituent une mémoire visuelle et audiovisuelle, collectée et mise en valeur depuis une vingtaine d’années par de nombreuses archives, dans un contexte numérique qui en favorise la diffusion et le réemploi exponentiels, alors même que de nouvelles images amateures continuent d’être produites et partagées en ligne. Plusieurs artistes, notamment des cinéastes, s’emparent de ces images d’hier ou d’aujourd’hui, pour créer une œuvre seconde, nouvelle et contemporaine, aux enjeux divers, mémoriels, critiques, esthétiques ou politiques, avec une charge émotionnelle singulière liée à ce matériau premier.
Ce sont certaines de ces œuvres que nous vous invitons à découvrir au cours de cette semaine de programmation dans divers lieux culturels niçois et monégasque : l’Institut Audiovisuel de Monaco, l’Espace Magnan, la Villa Arson, La Trésorerie et le Pop-Up Cinéma du 109.
Plusieurs temps forts marqueront cette semaine avec la projection de quatre œuvres cinématographiques en avant-première, dont trois en présence de leurs auteurs, ainsi qu’une création originale sous la forme d’un ciné-concert sur la base d’images amateures d’archives de Nice et de la région !
L’ensemble de la programmation s’inscrit dans L’Automne de l’image, porté par la Bande Passante, qui réunit du 22 septembre au 3 décembre les festivals et événements dédiés au cinéma, à la photographie et à la vidéo, sur le territoire niçois.
« Affronter l’obscurité » 2023, Avant-Première
Jean Gabriel Périot / 109 mn
« Le siège de Sarajevo a duré d’avril 1992 à février 1996. 1425 jours, pendant lesquels les jeunes hommes de la ville ont été mobilisés pour la défendre ; des jours où certains d’entre eux ont choisi de prendre leur caméra pour conter par l’image la violence qui s’abattait sur eux.
30 ans après, quel regard ces cinéastes portent-ils sur leurs images d’alors, sur cette guerre sans fin et sur leurs craintes qu’elle ne reprenne ? »
« Il y a trente ans, je regardais le siège de Sarajevo quotidiennement sur ma télévision. Au même moment, les garçons de mon âge qui y vivaient étaient mobilisés. Des années plus tard, je suis allé à la rencontre de certains d’entre eux qui, tout en vivant au cœur même de l’enfer, n’ont jamais cessé d’y faire des films. Leurs différentes expériences ne pouvaient qu’éclairer ces questions sur lesquelles je bute sans cesse : est-ce que faire des films peut être le lieu d’un engagement ou d’une action sur le monde ? Et si oui, à quelles conditions ? »
Jean-Gabriel Périot
Cette soirée s’inscrit dans L’Automne de l’Image, une initiative portée par La Bande Passante pour fédérer les festivals et événements dédiés à l’image fixe et animée.
« J’ai quitté l’Aquitaine » 2005
Laurent Roth / 52 mn
Le narrateur, interné dans un asile, tente de trouver la guérison en convoquant l’ensemble des membres de sa famille pour un test collectif : il s’agit, à l’aide d’une boîte de jeu de construction et de bobines de films de famille, d’essayer de restituer le plus exactement possible le bonheur tel qu’il était dans la maison de famille du Cap-Ferret, disparue il y a maintenant vingt-cinq ans. Mais rien ne va se passer comme prévu et tout se termine en chanson…
Qui suis-je ? Cinéaste, scénariste, acteur, mais aussi critique, dramaturge et poète… Mon moi est un grand chantier où, comme réalisateur, depuis 1984, j’explore des chemins qui croisent autant la mémoire de la grande Histoire, que celle, plus intime, de mes contemporains : celle de ma famille (celle du sang, mais aussi celle que l’on s’invente, que l’on se choisit…), celle de cinéastes proches (aux prises avec la question de l’Histoire et des blessures) : démarche qui me conduit souvent à revisiter des images d’archive ou des rushes tournés par d’autres, comme ce sera le cas cette année à Nice avec les films que je vais montrer et commenter à Rec.forward #2.
Laurent Roth
Journal d’Amérique, 2023, Avant-Première
Arnaud des Pallières, 108 mn
« Pense à l’Amérique, me suis-je dit.
Aux cités, aux maisons, à tous les gens, aux arrivées, aux départs, à la venue des enfants, à leur départ, à la mort, à la
vie, au mouvement, à la parole. Pense au profond soupir intérieur de tout ce qui vit en Amérique. Penche-toi. Ramasse ce que les autres laissent perdre de la vie. Et fais-en quelque chose. »
Arnaud des Pallières est né en 1961 à Paris. Adolescent, il s’initie au théâtre, étudie la littérature puis le cinéma. Il tourne une dizaine de courts métrages dont La Mémoire d’un ange et Les Choses rouges. En 1989, il organise et filme une conférence de Gilles Deleuze intitulée Qu’estce-que l’acte de création ? Il a également réalisé pour la télévision plusieurs films essais mélant documentaire et fiction dont un portrait de Gertrude Stein et le film Disneyland, mon vieux pays natal. Pour le cinéma, il a réalisé cinq long-métrages : Drancy Avenir, Adieu, Parc, Orpheline et Michael Kohlhaas, sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2013, avec Mads Mikkelsen dans le rôle titre. Depuis 2004, Arnaud des Pallières a le projet d’une fresque visuelle et sonore – une constellation de films, plurielle – brossant des histoires américaines du XXe siècle, réinventées à partir d’archives provenant du fonds américain Prelinger. À travers cette suite de films, le cinéaste explore l’Amérique comme on le ferait de l’Atlantide, d’un continent disparu. Diane Wellington, Poussières d’Amérique et aujourd’hui Journal d’Amérique, sont issus de ce processus de création originale
« Las cosas indefenidas », 2023, Avant-Première
Maria Aparicio (Argentine) / 86 min
Las cosas indefenidas, est centré sur Eva, monteuse, et sur ses échanges avec son assistant, Rami. Tous deux travaillent au montage d’un film consacré à des aveugles, commencé par un ami tout juste disparu, comme on l’apprend en ouverture. A l’écoute, précise, la caméra de Maria Aparicio suit Eva, cadres fixes attentifs au moindre mouvement du corps, à la moindre hésitation, au silence le plus ténu, ou laissant se déployer face caméra la parole, comme lors de ce monologue en quelque sorte adressé. Par ce geste il s’agit, comme Eva par son attention aux images du film de son ami, de prendre soin de chacun : des visages, des paroles entendues, des êtres. Un soin dont l’image et le cinéma seraient le refuge. Ce mode d’accueil est néanmoins ambivalent, comme le suggèrent les bouquets auxquels Eva attache tant d’importance : les fleurs ravivent le souvenir tout en rappelant la disparition. Entre regard et sensation, souvenir et perte, le film s’attache ainsi à déployer un mouvement du dedans vers le dehors. C’est une délicate ode à l’attention portée aux êtres s’employant à faire des choses indéfinies, selon l’expression empruntée à Robert Bresson qui donne son titre au film.
Nicolas Feodoroff
Partenariat FIDMarseille / Tsveta Dobreva